Dirigeant de société : comment déterminer votre rémunération ?
Pour fixer sa rémunération, le dirigeant doit tenir compte des contraintes de la loi sur les sociétés (formes à respecter) et des règles fiscales et sociales (limites à ne pas franchir). En tout état de cause, la rémunération doit correspondre à un travail effectif.
Pour fixer sa rémunération, le dirigeant doit tenir compte des contraintes de la loi sur les sociétés (formes à respecter) et des règles fiscales et sociales (limites à ne pas franchir). En tout état de cause, la rémunération doit correspondre à un travail effectif.
VUE D’ENSEMBLE
1. Types de rémunération du travail
Un dirigeant de société est susceptible de percevoir une rémunération qui se rapporte directement à son travail accompli dans la société. Cette rémunération prend, selon les cas, la forme de :
-
salaires,
-
commissions,
-
rémunérations ponctuelles pour une mission déterminée,
-
jetons de présence ordinaires ou spéciaux,
-
intéressement aux bénéfices,
-
allocations, indemnités, remboursement de frais, etc.
Remarque
À la rémunération en quelque sorte normale du dirigeant peuvent s’ajouter, sous certaines conditions, les différentes formules d’épargne salariale : intéressement, plans d’épargne entreprise et participation.
2. Qui fixe la rémunération du dirigeant ?
Sociétés |
Rémunération des dirigeants |
Membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance |
|
NOTE : Avec l’accord des commandités donné à l’unanimité, sauf clause contraire. ABRÉVIATIONS : CA : conseil d’administration. AG : assemblée générale des actionnaires. SOURCE : Code de commerce. |
|||
SA |
à conseil d’administration |
Président du CA : fixée par le CA (art. L. 225-47). Directeur général (y compris délégué) : fixée par le CA (art. L. 225-53). |
Jetons de présence fixés par l’AG et répartis par le CA (art. L. 225-45). |
à directoire |
Membres du directoire : fixée dans l’acte de nomination par le conseil de surveillance (art. L. 225-63). |
Jetons de présence fixés par l’AG et répartis par le conseil de surveillance (art. L. 225-83). |
|
SCA |
Gérant : fixée par les statuts ou par l’AG (art. L. 226-8) (1). |
Comme pour les SA. |
|
SARL, SNC, SCS |
Gérant : fixée par les statuts ou prévue ultérieurement. |
Sans objet. |
▶ Cas des SA
Les rémunérations du président et du directeur général sont fixées par le conseil d’administration. La rémunération des membres du directoire est déterminée par le conseil de surveillance à chaque nomination des membres. Ces rémunérations peuvent être fixes et/ou proportionnelles au chiffre d’affaires ou aux bénéfices.
▶ Cas des autres sociétés
Aucune disposition légale ne régit la rémunération des gérants de SARL, SNC ou SCS. Cette rémunération peut être prévue dans les statuts ou fixée sur décision collective des associés.
La rémunération du gérant des SCA est fixée dans les statuts ou par l’assemblée générale ordinaire, avec l’accord unanime des commandités, sauf clause contraire.
3. Transparence des rémunérations dans les sociétés cotées
Les dispositions suivantes s’appliquent aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé (autrement dit, dont les titres sont cotés). Sont plus précisément visées les rémunérations perçues par :
-
les administrateurs, le directeur général et les directeurs généraux délégués, les membres du directoire et du conseil de surveillance, et les membres du conseil d’administration exerçant au sein de sociétés anonymes – SA,
-
et les gérants et membres du conseil de surveillance de sociétés en commandite par actions – SCA.
Le rapport de gestion présenté à l’assemblée générale des actionnaires doit indiquer :
-
les principes et les règles arrêtés par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance pour déterminer les rémunérations et avantages de toute nature accordés aux mandataires sociaux : salaires, primes, indemnités, jetons de présence, etc.,
-
ainsi que la rémunération totale et les avantages de toute nature effectivement versés par la société à chaque mandataire social durant l’exercice écoulé.
Remarque
L’AFEP (Association française des entreprises privées) et le MEDEF, d’une part, et Middlenext, d’autre part, recommandent que la rémunération des présidents des sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé soit déterminée par le conseil d’administration sur la proposition du comité des rémunérations en respectant les principes suivants :
-
la rémunération doit être équilibrée, cohérente, lisible, mesurée,
-
et tous ses éléments doivent être pris en compte (partie fixe, partie variable, stock-options, actions gratuites, jetons de présence, conditions de retraite et avantages particuliers).
RÉGIME FISCAL DES RÉMUNÉRATIONS PERÇUES PAR LES DIRIGEANTS
4. Du point de vue du dirigeant
Toutes les rémunérations perçues pour son travail par un dirigeant de société sont soumises à l’IR (au titre des traitements et salaires BIC, BNC, BA, revenus mobiliers ou de l’article 62 du CGI) selon leurs attributions, et aux prélèvements sociaux.
▶ Traitements et salaires
Sont imposables au titre des traitements et salaires :
-
dans les SA à conseil d’administration et les SA à directoire et conseil de surveillance :
-
le traitement fixe ou proportionnel perçu par le président, le directeur général et les directeurs généraux délégués, ainsi que les membres du directoire,
-
la rémunération salariée perçue par les administrateurs et membres du conseil de surveillance cumulant leur mandat avec un contrat de travail ;
-
-
dans les SAS , le traitement fixe ou proportionnel perçu par le président et les autres dirigeants ;
-
dans les SCA , la rémunération perçue par les gérants non associés ;
-
dans les SARL , la rémunération perçue par :
-
les gérants minoritaires ou égalitaires si la société est soumise à l’IS,
-
et, en principe, les gérants non associés titulaires d’un contrat de travail (ces derniers relèvent cependant de l’article 62 du CGI lorsqu’ils appartiennent à un collège de gérance majoritaire) ;
-
-
dans les sociétés civiles soumises à l’IR : les gérants salariés non associés.
▶ Revenus mobiliers
Les revenus du capital de la société sont imposables au titre des revenus mobiliers.
Remarque
En revanche, les jetons de présence dits “spéciaux” sont imposables au titre des traitements et salaires.
▶ BIC, BNC, BA ou revenus fonciers
Dirigeant de société soumise à l’IS
Sont imposables aux BNC (bénéfices non commerciaux) les rémunérations versées :
-
dans les SA, aux administrateurs et membres du conseil de surveillance en contrepartie de missions ou mandats spéciaux s’exerçant en l’absence d’un contrat de travail,
-
aux membres du conseil de surveillance des SCA,
-
aux associés gérants de sociétés civiles soumises à l’IS de plein droit.
Dirigeant de société “transparente”
De façon générale, les associés des sociétés fiscalement transparentes sont imposables aux BIC, BNC, BA ou revenus fonciers selon l’activité de la société. Sont considérées comme fiscalement transparentes les sociétés qui ne sont pas soumises à l’IS :
-
SARL, SAS et SA non cotées, créées depuis moins de 5 ans et qui ont opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes ,
-
EURL n’ayant pas opté pour l’IS,
-
SNC (sociétés en nom collectif),
-
SCS (pour la part des associés commandités, la rémunération perçue par les commanditaires étant imposable au titre des revenus mobiliers),
-
sociétés civiles soumises à l’IR, pour la rémunération perçue par les gérants.
Exemples
-
L’associé d’une société civile ayant une activité assujettie aux BNC sera lui-même imposable de la même façon,
-
le gérant d’une société agricole ou forestière sera imposable selon le régime des BA.
Cette imposition porte sur la quote-part qui leur revient dans les bénéfices réalisés, qu’ils leur aient été distribués ou non.
▶ Article 62 du CGI
L’article 62 du CGI dispose : “Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l’impôt sur le revenu au nom de leur bénéficiaire s’ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l’impôt sur les sociétés (…), même si les résultats de l’exercice social sont déficitaires, lorsqu’ils sont alloués :
-
aux gérants majoritaires des SARL n’ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes,
-
aux gérants (associés commandités) des sociétés en commandite par actions,
-
aux associés en nom des sociétés de personnes, aux membres des sociétés en participation et à l’associé unique personne physique d’une EURL ou EARL, lorsque ces sociétés ont opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux.”
Le montant imposable des rémunérations est déterminé, selon les règles applicables en matière de traitements et salaires après déduction des mêmes charges que celles admises en déduction pour la détermination des BIC et BNC (cotisations Madelin par exemple, dans une certaine limite).
CAS DES RÉMUNÉRATIONS EXCESSIVES
6. Principe
Le fisc considère qu’au-delà d’un certain montant, la rémunération d’un dirigeant ne constitue, en réalité, qu’une distribution de bénéfices déguisée. Il opère alors un redressement en conséquence.
7. Détermination de la rémunération excessive (ou du salaire excessif)
▶ Notion de rémunération excessive
D’après l’article 39-1, 1°, du CGI : “Toutefois, les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l’importance du service rendu. Cette disposition s’applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais.”
La détermination du caractère excessif du salaire est largement une question de fait. En règle générale, une rémunération est jugée excessive lorsqu’elle dépasse manifestement celles habituellement allouées aux dirigeants dans les firmes de même importance, de la même branche d’activité et de la même région.
▶ Critères d’appréciation
C’est à l’Administration d’apporter la preuve que la rémunération est excessive et non au chef d’entreprise de démontrer le contraire. Les critères dégagés par la jurisprudence et utilisés par l’administration fiscale pour déterminer le caractère excessif de la rémunération sont, notamment :
-
la qualification professionnelle et l’importance de l’activité exercée par le dirigeant,
-
le niveau de rémunération pratiqué par des entreprises exerçant une activité similaire dans la même région et dans les mêmes conditions (il est normal qu’un dirigeant assumant seul les responsabilités de direction soit mieux rémunéré que celui qui est secondé).
Les comparaisons opérées par l’Administration doivent être suffisamment précises pour que le contribuable puisse contester le caractère comparable des entreprises retenues. En outre, le fisc doit respecter l’obligation de secret professionnel. L’Administration doit donc fournir des données moyennes sur plusieurs années ou sur un nombre élevé d’entreprises pour que le chiffre d’affaires, ou le résultat de l’entreprise servant de comparaison, ne soit pas divulgué. De même, pour les rémunérations des personnes exerçant des fonctions comparables, les chiffres faisant l’objet de comparaison ne doivent représenter que des moyennes.
Les augmentations importantes de rémunération d’un dirigeant d’une année à l’autre doivent se justifier :
-
par des augmentations en rapport avec le chiffre d’affaires et/ou le bénéfice,
-
par le fait que le salaire antérieur était sous-évalué,
-
ou encore parce que le dirigeant a permis à l’entreprise de réaliser une bonne affaire.
Exemple
La vente d’un immeuble par l’intermédiaire du dirigeant a permis à l’entreprise de dégager une plus-value importante.
Le dirigeant touche alors une commission sur cette vente, qui augmente considérablement sa rémunération.
8. Conséquences
▶ Conséquences fiscales
La pratique de la rémunération excessive est sanctionnée au niveau de l’entreprise et du dirigeant.
Conséquences pour l’entreprise
Considérée comme une distribution de bénéfices, la fraction du salaire jugée excessive est réintégrée dans le bénéfice imposable.
Conséquences pour le dirigeant
Deux cas sont à distinguer :
-
l’entreprise est soumise à l’IS : la fraction excessive est imposée au titre des revenus de capitaux mobiliers (sur une base de calcul égale à 125 % du montant imposable),
-
l’entreprise est soumise à l’IR : la fraction jugée excessive est imposée au titre des BNC.
▶ Conséquences sociales
Les sommes allouées au dirigeant n’ayant plus la nature de salaire, les cotisations sociales ne sont plus dues. Une action en restitution peut en principe être envisagée.
▶ Conséquences pénales
La rémunération excessive, non approuvée par l’organe compétent de la société, peut être qualifiée d’abus de biens sociaux.
CAS DES RÉMUNÉRATIONS ET DISTRIBUTIONS OCCULTES
9. Principe
Le dirigeant qui souhaite augmenter sa rémunération pourrait être tenté de “puiser dans la caisse” ou de ne pas déclarer à l’administration fiscale les sommes que la société lui a distribuées.
Ces pratiques sont :
-
dangereuses au plan de la gestion,
-
interdites par le droit commercial,
-
lourdement sanctionnées par le fisc.
▶ Notion de rémunération occulte
Sont ici visées les sommes (quelle qu’en soit la forme : honoraires ou commissions, par exemple) qui apparaissent dans la comptabilité d’une société passible de l’IS, comme des rémunérations versées généralement à des tiers dont l’identité n’a pas été révélée au fisc.
Exemple
Sont considérés par le fisc comme distributions occultes :
-
des avantages en nature accordés à un dirigeant, qui ne sont pas inscrits en comptabilité,
-
des travaux effectués par la société dans un immeuble appartenant à un associé, qui ne sont pas inscrits en comptabilité,
-
la cession de titres à un associé pour un prix inférieur à leur valeur vénale.
▶ Notion de distribution occulte
En règle générale sont ici visées les dissimulations de recettes qui ne sont pas inscrites en comptabilité et qui bénéficient généralement aux associés.
10. Conséquences
▶ Conséquences fiscales
Le fisc sanctionne lourdement les distributions et rémunérations occultes, car elles révèlent un grave manquement des sociétés à leurs obligations comptables et fiscales.
En effet, les sociétés sont tenues :
-
de faire apparaître en comptabilité toutes leurs rentrées d’argent,
-
de déclarer chaque année à l’administration fiscale la totalité des rémunérations qu’elles ont versées à des tiers sous forme de commissions, d’honoraires ou de courtages.
Conséquences pour la société
Les rémunérations et distributions occultes :
-
sont considérées comme des revenus distribués et ne sont donc pas déductibles des bénéfices imposables de la société qui les a versées,
-
sont réintégrées dans le résultat fiscal de la société.
Lorsque le fisc découvre des distributions ou des rémunérations occultes, il demande à l’entreprise d’en désigner les bénéficiaires. Si l’entreprise refuse, elle doit verser des pénalités égales à :
-
75 % du montant des sommes versées si la société distributrice a spontanément déclaré le versement dont elle se refuse à désigner le bénéficiaire,
-
100 % du montant des sommes versées si la société n’a pas déclaré ce versement (l’existence de celui-ci ayant donc été établie par l’Administration).
Enfin, la société et ses dirigeants sont solidairement responsables du paiement de ces pénalités.
Conséquences pour le dirigeant
Si la société désigne le bénéficiaire, celui-ci est imposé sur le montant de la distribution dans la catégorie des revenus mobiliers (sur une base de calcul égale à 125 % du montant imposable).
La désignation de ce bénéficiaire n’est qu’un renseignement n’ayant pas valeur de preuve. Pour imposer le bénéficiaire “supposé”, l’Administration doit en effet prouver l’existence des sommes distribuées et leur distribution effective aux personnes désignées.
Remarque
La société est parfois obligée de procéder par rémunérations occultes (marchés à l’exportation, notamment). Elle doit alors obtenir des autorisations légales afin d’en atténuer au maximum les conséquences fiscales.
▶ Conséquences sociales
Comme pour les rémunérations excessives [§ 8].
© Copyright Editions Francis Lefebvre